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Le choix des mots

Dernière mise à jour : 4 nov. 2020

Pourquoi dire qu'on tombe amoureux, ou qu'on tombe enceinte ? Parce que cela fait mal ? Qu'est-ce que la terminologie nous indique dors et déjà, avant même d'avoir vécu l'expérience ? L'importance des mots et du vocabulaire qu'on emploie est indéniable. Pourtant des abus de langage résident toujours et peuvent, dans certains cas, générer de fausses croyances et créer des blocages. Dans la pratique, j'invite les patients à revoir leur façon de parler. Par exemple, en remplaçant l'éternel "il faut" ou "je dois" par "je veux", "je souhaite", "je peux" ou "je vais". Cela change complètement la tournure d'une phrase. Récemment encore, un jeune patient en décrochage scolaire me disait : "Les cours me manquent, l'aspect social aussi. Je dois retourner au lycée pour mon propre équilibre". J’entends par là que son besoin et son envie sont réels. Mais le simple fait d'y incorporer le "je dois", ajoute une telle pression et un poids sur les épaules, que ce jeune en est incapable et qu'il me formule cette phrase avec le visage fermé et les épaules basses. En lui proposant de changer la phase ainsi : "Les cours me manquent, l'aspect social aussi. Je veux retourner au lycée pour mon propre équilibre", cela change tout ! Le pouvoir est à nouveau entre ses mains et le jeune le réalise immédiatement : il a le sourire et se détend. Même si le retour en cours n'est pas encore fait, la possibilité de le faire est de nouveau là, accessible, car cela ne dépend que de lui.  Tout cela, en modifiant un seul mot, le verbe vouloir au lieu de devoir. Un autre exemple d'un père de famille qui venait de perdre son père et dont le deuil l'affectait beaucoup. Ce monsieur parvient à me formuler : "ça ne peut plus durer ainsi, il faut que je fasse le deuil de mon père pour moi et pour ma famille, je suis leur pilier". Déjà accablé par la perte de son propre père, il se rajoutait le poids de sa famille sur les épaules, ce qui l'empêchait de s'ouvrir à ses propres émotions pour les vivre et les accepter. Nous avons pris le temps en séance de reformuler cette phrase en y incorporant tout le véritable sens qu'il souhaitait y mettre : "ça ne peut plus durer ainsi, je veux faire le deuil de mon père pour moi et pour ma famille, je suis leur pilier". La posture du monsieur a complétement changé et le poids de sa famille est devenu une force, il a même ajouté : "je suis leur pilier, j'ai suffisamment de force pour faire mon deuil, même si c'est douloureux". Bien entendu, la simple formulation de cette phrase ne permet pas de faire le deuil, néanmoins, elle a permis à ce monsieur d'accepter de lâcher son contrôle qu'il croyait être une force et il a enfin pu pleurer en toute liberté. Des exemples comme ceux-ci, j'en ai pléthores. En réalité, je pense que ces personnes veulent à chaque fois dire la seconde phrase, mais par habitude sociétale, le "je dois" ou "il faut" viennent se greffer et changer tout le sens de la phrase. Lorsque notre cerveau se sent forcé de faire quelque chose, il y a de fortes chances qu'il le rejette en bloc, même si c'est ce que nous voulons profondément. D'où l'importance du choix des mots. Si je reviens à la formulation "tomber amoureux" cela connote inconsciemment le fait de tomber, donc de potentiellement se blesser, avoir mal, souffrir ; ou en tout cas, de devoir rester vigilant et sur ses gardes afin de se protéger. Tout l'inverse de la confiance, de l'ouverture et de l'amour que l'on pourrait accorder à l'être aimé, surtout dans le début d'une relation. En consultation, il m'arrive souvent de prendre volontairement la phrase au sens littéral lorsqu'une personne me dit "je suis tombée amoureuse" et de lui répondre : "alors, vous vous êtes fait mal ?". Bien souvent, la personne comprend immédiatement et se corrige elle-même avec le sourire : "je suis amoureuse de...". D'ailleurs le simple fait de formuler le nom de la personne aimée permet de retrouver ce sourire, cette détente et cette béatitude qui caractérisent aussi l'amour. De même pour la formulation "tomber enceinte", qui peut faire peur à certaines femmes et générer de nombreuses craintes. Alors que de dire, "porter mon enfant", donne un tout autre regard. Pensez donc à bien peser vos mots afin d'éviter qu'ils vous pèsent ! ;) Gwendoline Konc 08/03/2020

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