Les réflexes sont passionnants, riches et plus complexes qu’il n’y parait. Dans le troisième article sur ce thème, je vous invite d’abord à revoir les bases des réflexes ; puis, à aller plus en profondeur dans leur compréhension subtile, en abordant les conséquences de leur mauvaise intégration avec le prisme des trois strates (théorie personnelle) ; enfin nous terminerons avec l’exemple du réflexe de parachute pour appuyer cette théorie.
Les réflexes Quèsaco ?
Un réflexe est une réponse automatique à un stimulus physique ou sensoriel précis dont l’objectif est de nous protéger et de nous permettre de survivre. Toute l’espèce humaine partage les mêmes réflexes. Nombre d’entre eux sont d’ailleurs observables chez les animaux et communs à plusieurs espèces. Cela fait partie de notre patrimoine génétique de base pour fonctionner physiquement, émotionnellement et socialement ; mais aussi pour maintenir l’espèce en vie.
Nous avons deux types de réflexes : les réflexes archaïques (ou primitifs) qui apparaissent in-utéro ou après la naissance et s’intègrent généralement assez tôt dans le développement (c’est-à-dire qu’ils laissent place à des mouvements contrôlés et sont stockés, en réserve, dans le cerveau) ; et les réflexes posturaux (ou de vie) qui se développent sur les réflexes archaïques intégrés et restent actifs toute notre vie.
Bien que tout le monde ait des réflexes, ceux-ci ne sont pas forcément intégrés de la même façon. Leur bonne intégration dépend de plusieurs facteurs épigénétiques, environnementaux, culturels, etc.
Dans nos sociétés contemporaines, où le mouvement a été rétrogradé et où nous n’avons plus à courir, chasser ou grimper aux arbres pour nous nourrir, très peu d’entre nous ont des réflexes intégrés à 100%. Cela n’est pas délétère en soi car nous compensons tous en développant des stratégies. Les stratégies nous permettent de pallier, à des degrés plus ou moins efficaces, les conséquences qui découlent de la mauvaise intégration d’un réflexe archaïque et/ou du mauvais développement d’un réflexe postural.
Les conséquences d’une mauvaise intégration de réflexes
Je voudrais vous présenter ici ma propre vision des choses. Ma pratique auprès d’un public varié (enfants, adolescents et adultes), m'a permis d'observer nombre de réflexes sur des corps très différents et de mettre au point « la théorie des trois strates ». Cette théorie permet d'appréhender les différents degrés de conséquences de la rémanence (= mauvaise intégration) d’un réflexe. Elle n'est pas validée scientifiquement et ne fait, à ma connaissance, l’objet d’aucune étude. Néanmoins, elle permet de mieux percevoir l’importance des réflexes à différents niveaux, dans la vie et le fonctionnement d’un individu.
Dans le monde des réflexes, il est connu qu’un réflexe archaïque non intégré puisse avoir des conséquences sur différents plans, variables selon les personnes et le degré d’intégration du réflexe ou des réflexes impliqués. On distingue classiquement deux grandes catégories de conséquences possibles en cas de non-intégration d’un réflexe, il s’agit des conséquences :
Sur le plan moteur et postural ; et
Sur le plan émotionnel et comportemental.
Je me base bien entendu sur ces observations pour mettre au point ma théorie, en allant plus loin et en hiérarchisant les conséquences selon trois strates :
La première fonction d’un réflexe (archaïque ou postural), est d’assurer notre protection sur le plan physique. En cas de non-intégration ou de non émergence d'un réflexe, les conséquences physiques sont donc les plus visibles et les plus marquées. C’est ce que j’appelle la première strate.
Cependant, le réflexe joue aussi sur notre état émotionnel et la façon dont nous le régulons. Des conséquences émotionnelles peuvent donc être rapidement observées en cas d’intégration insuffisante d’un réflexe. C’est la seconde strate.
Enfin, la mauvaise intégration d’un réflexe a également des conséquences sur le plan social, puisqu’elle nous force à développer des compensations pouvant influer sur la relation que nous nouons avec les autres. C’est la troisième strate.
Ces trois strates sont reliées entre elles, hiérarchisées et évolutives. Si un réflexe est mal intégré sur le plan physique, il aura des conséquences physiques, émotionnelles et sociales. Si un réflexe est intégré sur le plan physique, mais bancal sur le plan émotionnel, les répercussions seront donc sur les deux dernières strates. Un réflexe globalement bien intégré, mais pas à 100%, peut tout de même avoir des conséquences sur le plan social, sans forcément être visible sur les deux strates précédentes. Nous pouvons comprendre ce fonctionnement comme des échelons, ou des grades : pour obtenir le grade suivant, il faut avoir rempli toutes les conditions du précédent.
Bien évidemment, le fonctionnement humain est éminemment complexe et interconnecté. Par exemple, le fait d’avoir des conséquences sur le plan social peut jouer sur mon humeur, ma confiance en moi, etc.
L’exemple du réflexe de protection des mains : le réflexe de Parachute
Pour comprendre la notion des trois strates, reprenons l’exemple du réflexe de parachute (ou réflexe de protection des mains) abordé à la fin de l'article précédent. Ce réflexe consiste à placer nos mains devant nous en protection en cas de chute ou d’envoi inattendu d’un objet. Si le réflexe est bien développé chez la personne, les mains devraient instinctivement être placées suffisamment haut afin de protéger la tête et le cerveau (organe vital et fragile en cas de commotion). Il s’agit là de la première fonction du réflexe : assurer notre protection sur le plan physique. En revanche, en cas de non-intégration, il peut y avoir des conséquences sur le plan physique telles qu’une difficulté à se rattraper efficacement en cas de chute, donc la personne se blesse régulièrement en tombant. Ce réflexe joue également sur la coordination entre le haut et le bas du corps, la dextérité, l’appréciation des distances, l’appréciation des vitesses et la vision en trois dimensions.
Si nous allons plus loin, le réflexe de parachute a une forte implication dans la protection au sens large. En cas de non-intégration de ce réflexe, les conséquences émotionnelles peuvent donc être liées à une difficulté à se protéger des émotions, la personne peut être hypersensible, avec une forte empathie qu’elle ne sait pas réguler, se sentir régulièrement débordée par un trop plein d’émotions sans savoir s’en protéger, avoir des peurs intenses, se sentir rapidement découragée ou démunie face à un obstacle, etc. Cela peut également générer des surréactions, une personne qui serait toujours sur la défensive par exemple ou qui aurait au contraire des comportements agressifs. Mais aussi avoir des répercussions sur l’impulsivité et l’hyperactivité.
Enfin, la non-intégration du réflexe de parachute peut avoir des conséquences sociales, notamment dans la notion de distances interpersonnelles, les personnes peuvent avoir du mal à dire « non », des difficultés à exprimer leurs émotions ou se sentir illégitime par rapport à elles. Ces personnes peuvent aussi ne pas savoir se protéger des autres, se faire marcher dessus ou être victime de harcèlement, ne pas savoir réagir en cas de dispute ou de conflit et chercher à tout prix à les éviter. Cela peut entrainer une tendance à s’isoler dans son monde, à vivre dans un monde imaginaire.
Dans l’exemple du réflexe de parachute, il semble logique qu’une personne ayant des difficultés de coordination et une faible dextérité puisse développer un manque de confiance en elle puisque, n'arrivant pas efficacement à contrôler son corps, elle se sent probablement maladroite et impuissante (surtout en comparaison aux autres !). Les difficultés motrices peuvent d'ailleurs générer des moqueries ou une incompréhension de la part des autres pouvant aggraver ce manque de confiance. Le manque de confiance entrainant lui-même des difficultés dans la relation, la personne pouvant se sentir inférieure aux autres et se laisser marcher dessus sans savoir se défendre.
--> Les trois strates physique, émotionnelle et sociale sont touchées.
Une personne ayant des difficultés à exprimer ses émotions, mettre des limites et savoir dire « non » ou étant souvent débordée par des émotions fortes, avec une impulsivité et des comportements agressifs aura plus de chance d’être isolée ou maltraitée par ses pairs.
--> Strates émotionnelle et sociale.
Cet exemple du réflexe de parachute est assez parlant. Il nous montre l’implication des réflexes et leur importance sur différents aspects de nos vies. Les réflexes sont certes des mouvements automatiques et involontaires, déclenchés par des stimuli ; mais ils sont en forte synergie avec nos comportements, nos façons d’être et d’interagir.
Je vous ai donné ici un exemple des trois strates de conséquences pour un réflexe postural, mais bien entendu, le même système s’applique également pour les réflexes primitifs.
J’espère que cette série d’articles vous a été instructive et vous a permis de mieux comprendre pourquoi nos réflexes sont le mode d’emploi de notre corps.
Je serai ravie de lire vos commentaires. ;)
08/08/2020
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